Le vieux Chartres
La matinée du 17 mai est consacrée à la visite du vieux Chartres, en particulier celle de la ville haute autour de la cathédrale. Rendez-vous devant « la maison du saumon » qui abrite l’office du tourisme de Chartres. Curieux nom pour cette maison du XVIème siècle ornée de magnifiques colombages ! Chartres est entouré de champs de blé et la mer est bien loin. Cependant, nous sommes sur la Place de la Poissonnerie, quartier attesté comme lieu de vente du poisson depuis le XVème siècle et jusqu’en 1950. Accolée à la « maison du saumon », la maison de « la truie qui file » présente une sculpture en bois illustrant une fable moralisatrice qui recommande de ne pas forcer le naturel et de faire ce qui convient à notre personnalité. Nous empruntons « la rue des Changes » où se tenaient, au Moyen Age plus de quarante tables de changeurs pour arriver sur la place de la cathédrale. Sa visite n’est pas prévue au programme mais comment résister à l’envie de pénétrer dans cet édifice majestueux ? L’intérieur est en restauration mais certaines parties déjà nettoyées ont mis à jour d’anciens enduits imitant le marbre sur les colonnes du triforium. Les vitraux des XIIème et XIIIème siècles, la plus importante collection de France avec celle de Bourges retrouvent toute leur splendeur dans cet ensemble plus lumineux. En sortant, nous nous arrêtons devant la Maison Canoniale du XIIIème siècle, les sculptures des tympans représentent des démons qui se font face, des lutteurs et des motifs végétaux qui évoquent la vigne. Henri III logeait dans cette demeure lorsqu’il venait à Chartres. De nombreuses maisons à encorbellement bordent les rues de l’Horloge et du Cardinal Pie, certaines ont été bien réhabilitées mais d’autres gardent encore leur crépi qui cache les colombages, dommage, car Chartres possède un centre médiéval qui a très peu d’équivalent en France. A proximité de la cathédrale,
l’enclos de Loëns, bâtiment du XIIIème siècle, a servi de Grange aux Dîmes jusqu’au XVIIIème siècle. La Dîme due au clergé, obligatoire dès le IVème siècle, était versée en nature, il fallait donc stocker ces produits (vin, blé, avoine, épeautre …) dans un vaste cellier, salle voutée qui comporte trois nefs, trois travées de 21 croisées d’ogives ainsi que 12 colonnes à chapiteaux. Aujourd’hui, cet ensemble est devenu le Centre International du Vitrail. Des marques au sol nous rappellent qu’au Moyen Age, ce quartier était entouré de remparts fermés par neuf portes ; près de l’ancienne porte de l’Officialité où nous nous trouvons se tenait le marché à la filasse, fibres végétales de jute, chanvre ou sisal. Les imposants bâtiments du musée des Beaux Arts bordent les jardins de l’évêché, ils occupent l’emplacement d’un premier palais épiscopal édifié au XIIème siècle dont il ne reste rien, les communs sont les seuls vestiges du palais qui accueillit Henri IV lors de son couronnement en 1594. L’édifice actuel date de la première moitié du XVIIIème siècle pour le bâtiment central et du milieu du XVIIIème pour la chapelle, le pavillon central de la façade et la salle à l’italienne. Des terrasses des jardins de l’Evêché, la vue est magnifique sur la campagne environnante et la ville basse, sur les bords de l’Eure, jalonnée de nombreux ponts, lavoirs et anciens moulins.
Le restaurant « l’Ecume » nous accueille pour un déjeuner sympathique et reposant avant de repartir pour le château de Maintenon.
Le château de Maintenon
Arrivés au château de Maintenon, nous commençons par une leçon d’histoire et d’architecture. Du XIIIème au XVIème siècle, le domaine appartient à la famille des Amaury, on peut aujourd’hui admirer la tour carrée en grès construite par eux ainsi que les trois tours en brique reliées entre elles par des courtines crénelées. Par manque d’argent, la famille Amaury doit céder le château à Jean Cottereau, financier et intendant des finances du roi Louis XII. Il décide de faire de cette forteresse un peu rustique une demeure de plaisance. Il l’agrandit en faisant largement usage du mariage entre la pierre et la brique. A partir de 1681, le château et le domaine connaissent des transformations décisives commanditées par Madame de Maintenon ou sur ordre direct du Roi. Le château parvient alors à son développement spatial actuel. Pour dégager une vue sur les jardins, on démolit l’ancienne courtine médiévale, on construit une nouvelle aile qui relie une tour à l’église Saint Nicolas, les écuries sont agrandies et éloignées du château. Vers 1850, 1860, le Duc Paul de Noailles modifie les façades qui donnent sur la cour d’honneur, elles arborent un style gothique flamboyant : lucarnes décorées, fenêtres à meneaux, culs de lampes sculptés, frise à la base de la toiture. Le château est modernisé et rendu plus confortable avec l’installation de l’eau courante, de toilettes, de salles d’eau et de calorifères. Les bombardements des alliés pendant la seconde guerre mondiale causent de graves dégâts au château, cependant classé aux monuments historiques en 1944. Monsieur et Madame Raindre s’attèleront à le remettre en état et l’ouvriront au fur et à mesure à la visite au public.
Un rayon de soleil nous guide vers le parc conçu par André Le Nôtre dès 1676. Il choisit pour Maintenon le creusement d’un canal bordé de deux allées plantées sur ses rives passant sous l’aqueduc, un parterre entouré d’eau côté droit et un parterre triangulaire composé de broderie. Les jardins connaissent ensuite de nombreuses modifications avant d’être recomposés en 2013 par le Conseil départemental pour commémorer le 400ème anniversaire de la naissance de Le Nôtre. En fond de scène, les ruines de l’aqueduc se dressent et évoquent les célèbres paysages du peintre Hubert Robert. Projet ambitieux de Louis XIV pour amener l’eau de l’Eure à Versailles, cet édifice dessiné par l’architecte Blondel devait s’élever à 73 mètres sur le modèle du Pont du Gard ! Mais, les guerres de la ligue d’Augsbourg vident les caisses de l’état et les travaux sont abandonnés. Madame de Maintenon hérite des ruines mais aussi d’un titre de marquise, censé la dédommager des constructions qui ont abîmé le parc.
A l’intérieur du château, nous parcourons les petits appartements du XVIIème siècle puis ceux du XIXème, le salon du Roi et les grands appartements du XIXème siècle, tous ces espaces ont été réaménagés par le Duc et la Duchesse de Noailles.
La décoration de la chambre de Madame de Maintenon est une libre interprétation du Duc Paul de Noailles mais, l’organisation générale de la pièce est certainement assez fidèle à son état d’origine. En effet, meubles d’époque, corniches à consoles, lit à baldaquin, balustre, cheminée à trumeau, présence d’un oratoire reconstituent l’atmosphère du XVIIème siècle. De nombreux tableaux représentent des personnages importants de la vie de la Marquise. Les appartements du Maréchal de Noailles ont, eux aussi été librement réinterprétés aux XIXème et XXème siècles.
Plus tard, dans les appartements privés des Noailles, Paul, académicien, chevalier de la Toison d’Or et sa femme descendante de la famille de Montespan, se succèdent de petites pièces aux fonctions bien établies : salons de compagnie, chambre, bureau, boudoir et une des plus belles perspectives sur l’aqueduc. Deux pièces remarquables sont tapissées de papiers chinois du XVIIIème siècle, au décor de rameaux fleuris sur fond bleu, ils n’ont été posés qu’au XIXème, ils sont inscrits aux monuments historiques depuis 1944.
Le salon du Roi marque le lien entre la partie du XVIIème siècle et les nouvelles pièces à vivre ajoutées au XIXème. Cette pièce était réservée au Roi Louis XIV lors de ses séjours au château. Son souvenir et son ascendance apparaissent à travers les portraits des Rois de France et surtout grâce à la reproduction du célèbre portrait peint par Hyacinthe Rigaud, commandé par le Duc Paul de Noailles.
Les aménagements de l’aile Nord figurent incontestablement parmi les travaux les plus notables réalisés par Paul de Noailles et son épouse. Ils créent un ensemble de pièces caractéristiques de l’apparat d’une demeure aristocratique du second empire: grand salon, billard et bibliothèque que vient compléter, en apothéose, la grande galerie.
La rotonde s’orne de remarquables boiseries régence à trophées de chasse, un portrait de Louis XV enfant par Simon Dequoy y est accroché. Après le grand salon dédié à la réception des invités, une grande pièce accueille le billard, somptueux meuble à pieds en griffes de lion flanqué de hautes banquettes. Au mur, les portraits du Duc Paul de Noailles, toison d’or au cou et de son élégante épouse Alicia de Rochechouart de Mortemart côtoient ceux de Madame de Maintenon et de Madame de Montespan. Dans la bibliothèque, garnie de meubles en poirier noirci, nous admirons des ouvrages anciens aux armes de Madame de Maintenon, de la famille de Noailles et de la Maison Royale de Saint Louis à Saint Cyr. Moins précieux mais plus émouvants, des cahiers d’anciens élèves de cette institution sont aussi exposés dans les vitrines.
Nous terminons cette visite par la spectaculaire galerie, inspirée par les grandes galeries de Versailles et du château d’Eu. Cette galerie est entièrement dédiée à l’histoire des familles des Noailles-Mortemart. Le plafond à caissons reprend les initiales N-M, les tableaux présentent des portraits « authentiques, rallongés, copiés ou rétrospectifs des grands hommes de la famille ». L’ensemble, ressuscitant la formule de la galerie d’apparat, oubliée depuis deux siècles, est caractéristique de l’influence du style Louis XIV sur le second Empire.
Nous garderons de cette journée des souvenirs très riches de lieux chargés d’histoires et de paysages romantiques du château de Maintenon.