Compte rendu de la visite:
Le vieux Lille et le musée de l'Hospice Comtesse
faite le lundi 18 mai 2015

Texte et photos de Colette Van de Valle

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La journée commence au Palais Rihour, siège de l'office du tourisme, où nous retrouvons nos conférencières pour une balade dans le vieux Lille.


Le Palais Rihour
 
 
 
 
 
 
 
 
 

La salle du Conclave
Le Palais Rihour, ancienne résidence des Ducs de Bourgogne, se prête à une brève évocation de l'histoire de cette ville:
La légende dit de Lille qu'elle a été fondée en 640 par les géants Lydéric et Phinaert mais seul un écrit de 1066 mentionne la première trace de la ville.
à l'origine, c'est un port sur la Deûle, située sur un axe de circulation majeur entre les grandes villes flamandes et les foires de Champagne. Les puissants comtes de Flandre possèdent la ville mais le mariage de la dernière Comtesse de Flandre avec Philippe Le Hardi la donne aux ducs de Bourgogne jusqu'à la fin du XVème siècle. Une autre alliance fait basculer le sort de Lille, Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, épouse Maximilien d'Autriche de la famille des Habsbourg. Les Pays-Bas espagnols englobent la ville qui connaît une période de grande prospérité appelée " le siècle d'or ".
La rupture majeure de l'histoire lilloise se situe en 1667 lors de la conquête de la ville par Louis XIV, en pleine guerre de Dévolution. Le visage de la ville est profondément modifié par l'introduction du style classique français, elle se dote d'une citadelle édifiée par Vauban.
Un moment conquise par les hollandais durant la guerre de succession d'Espagne, Lille redevient française en 1713. La révolution voit s'imposer le pouvoir d'une bourgeoisie libérale, dynamique et entreprenante qui contribue au fil des siècles à faire de Lille une grande puissance industrielle dont les piliers sont la métallurgie, la chimie et surtout le textile. En annexant les communes voisines de Wazemmes, Esquermes, Moulins et Fives, Lille triple sa superficie et double sa population. Touchée par la crise industrielle des années 70, la ville a su se reconvertir, elle se classe quatrième métropole française, carrefour international, place économique dynamique mais aussi station touristique et ville d'art et d'histoire.
 
Avant de quitter le Palais Rihour, nous remarquons la belle élégance de la salle du Conclave de style gothique flamboyant et de la sacristie où quatre vitraux représentent un arbre de Jessé, plusieurs saints et saintes dont Sainte Catherine et Sainte Cécile.

Un rapide coup d'œil à un plan de Lille pour repérer notre parcours et nous nous dirigeons vers la Grand'Place au centre de laquelle se dresse "la colonne de la Déesse", qui commémore la résistance héroïque de Lille lors du siège des autrichiens de 1792.
Le plus ancien édifice encore en place est la Vieille Bourse, à l'architecture typique de la renaissance flamande du XVIIème siècle, elle accueille la chambre de commerce de Lille jusqu'au XIXème siècle puis devient le repaire de nombreux bouquinistes et certains soirs, de passionnés de tango. Le théâtre du Nord, à la façade classique faite de pierre blanche et de grès, occupe les bâtiments de la Grande Garde, construits en 1717 pour accueillir le corps de garde royal.
Dans un style flamand, le bâtiment du journal local "la voix du Nord" construit en 1936 dresse son haut pignon à pas de moineaux. La façade comporte les blasons des principales villes de la région, elle est surmontée d'une statue des Trois Grâces en bronze symbolisant les trois anciennes provinces de la région : Flandre, Artois et Hainaut.
Nombre de maisons et d'immeubles de cette place sont classés aux monuments historiques en raison de l'originalité de leurs façades ou de leurs toitures, certains ont accueilli des personnages célèbres comme l'hôtel Bellevue qui a abrité Mozart lors de sa tournée européenne en 1765.

La Grand'Place
 

La Vieille Bourse


L'Opéra
L'opéra de Lille est un théâtre de style néo-classique construit de 1907 à 1913 sur l'emplacement d'un précédent opéra élevé en 1785, détruit par un incendie. La façade est inspirée de celle du Palais Garnier à Paris, elle est en pierre calcaire très lumineuse, sa décoration reprend les thèmes classiques de la glorification des Arts : poésie, musique, comédie, tragédie et autres arts lyriques.

Le haut beffroi de la nouvelle Bourse symbolise le pouvoir de l'argent, il coiffe un bâtiment construit au début du XXème siècle pour remplacer la Vieille Bourse devenue trop exiguë. Là, siègent la Chambre de commerce et d'industrie du Grand Lille ainsi que la Chambre régionale de commerce et d'industrie du Nord-Pas-de-Calais. Le style architectural néo-flamand rappelle la richesse et la majesté des célèbres hôtels de ville des anciens Pays-Bas, motifs végétaux et volutes font référence au style lillois du XVIIème siècle. Dommage que nous n'ayons pas entendu le carillon composé de 25 cloches d'un poids de 2 500 kg qui joue des airs célèbres du Nord : le p'tit Quinquin, P'tit Jean revenant de Lille, l'habit d'min vieux grand'père et Elle s'appelait Françoise.
Le beffroi de la nouvelle bourse


Le rang de Beauregard
Détails d'une façade
à proximité se trouve "le rang de Beauregard", un ensemble architectural constitué de maisons individuelles, d'apparence similaire, qui s'inspire du classicisme français du XVIIème siècle. Jusqu'en 1674, dans le souci d'imposer une certaine homogénéité à la ville, ces maisons à trois étages deviendront la référence en matière de nouvelles constructions qui devront être soumises à une autorisation de la mairie. Les constructions, en brique et pierre présentent des lignes verticales ornées à leurs extrémités ainsi qu'au-dessus des fenêtres, de monstres, angelots, cornes d'abondance, épis de blé… Le rez-de-chaussée, formé de grandes ouvertures en arc de cercle était réservé aux boutiques. Des boulets de canon fichés dans une des façades rappellent la résistance héroïque des lillois contre l'envahisseur autrichien en 1792.

La rue des Chats Bossus doit son nom à une vieille enseigne de tanneurs, nous y découvrons "A l'huitrière", célèbre poissonnerie et restaurant de fruits de mer qui présente une façade et un intérieur Art Déco. D'importantes mosaïques et vitraux ont été commandés à Mathurin Méheut en 1940, ce sont de longs panneaux sur le thème de la pêche, la relève des filets, le retour des pêcheurs et une composition aux homards.
A l'huitrière


Le vitrail de la façade de la cathédrale
Bâtie sur l'ancienne motte féodale du premier donjon des Comtes de Flandre, la cathédrale Notre Dame de la Treille étonne par sa façade contemporaine élevée en 1999, 110 plaques de marbre blanc soutenues par une structure métallique composent.la partie centrale en forme d'ogive. Elle contient un vitrail circulaire dessiné par Ladislas Kijno, constitué de 20 plaques de verre trempé insérées dans une armature inox. Le portail principal de 5 mètres de haut a été réalisé en verre et en bronze par Georges Lenclos, les portails latéraux paraissent simplement esquissés. Le reste de l'édifice est un ensemble néo-gothique dont la première pierre fut posée en 1854 pour abriter la statue de Notre Dame de la Treille miraculeusement sauvée d'un incendie puis des ravages de la Révolution.

On ne trouve pas d'oignons sur "la Place aux oignons", elle aurait abrité un ancien donjon, "dominium" en latin déformé en "dominion" puis "des oignons". Cette place est pleine de charme, elle est bordée de petites maisons en briques du XVIIIème siècle, ateliers de tisserands à l'origine.
La Place aux oignons


L'assiette du marché
Le froid et le vent s'engouffrant dans les ruelles attisent notre appétit et nous sommes heureux d'arriver devant le restaurant: "l'assiette du marché", installé dans des anciens ateliers de frappe de monnaie. La cuisine des spécialités du Nord mêle le fromage de Roncq aux endives et aux poires pour l'entrée, mijote doucement la carbonnade de bœuf aux senteurs de pain d'épices et ajoute une note acidulée de chicorée à la crème brûlée.

L'après-midi est consacrée à la visite de l'Hospice Comtesse.

Jeanne de Constantinople, Comtesse de Flandre fait construire un hôpital en 1237 pour le salut de son mari, Ferrand de Portugal, fait prisonnier à la bataille de Bouvines. Le bâtiment, incendié en 1468 est reconstruit aux XVIIème et XVIIIème siècles, transformé en hospice en 1789 puis en orphelinat. C'est à présent, un musée régional d'Histoire et d'Ethnographie, ainsi qu'un lieu d'expositions et de concerts.
 
On accède à la cour d'honneur par un passage couvert d'une superbe voûte d'ogives en brique aux nervures de pierre blanche. Au-dessus s'élève une tour quadrangulaire en briques. Le bâtiment attenant au passage évoque l'hôtel lillois de la Renaissance, la façade est rythmée par l'alternance de fenêtres étroites sans meneaux et d'autres à croisées de pierres, de nombreuses petites portes y sont percées. La cour est fermée à l'Ouest par le pavillon de pierre de 1724, construit dans le style classique français. La toiture de la salle des malades a retrouvé, depuis 2011, sa "guette", sorte de clocher qui abritait un guetteur.

L'Hospice Comtesse
 

Le pavillon de 1724


Le réfectoire
 
 
 
 
 

Bahut-crédence
Nous entrons dans le bâtiment de la communauté où meubles et objets d'art évoquent l'atmosphère flamande d'une fondation pieuse au XVIIème siècle.
La cuisine est revêtue de faïences bleutées de Lille, "à la manière d'Hollande", elles sont remarquables par leur diversité, leur fantaisie décorative (paysages pastoraux, monstres marins, fabriques, moulins, pêcheurs à la ligne, série sur les jeux…) et la grande liberté de gestes qui les rend tous différents.
Dans l'arrière-cuisine, les longues tables attendent les victuailles, les murs sont tapissés de carreaux de faïence en damier, alternativement blancs et brun violacé dans lesquels s'insèrent quatre panneaux décoratifs. Un tableau de Pieter Aertsen de 1543 représentant une fermière hollandaise glorifie la femme du peuple d'une manière audacieuse pour l'époque.
Dans le réfectoire, le manteau de la cheminée baroque encadre une nativité du XVIème siècle, copie d'un tableau de Martin de Vos exposée à Anvers. Parmi le mobilier, on remarque plus particulièrement un bahut-crédence à deux corps superposés en chêne sculpté orné d'incrustations de bois colorés de plusieurs essences au décor iconographique associant des éléments religieux et profanes. Le parloir est orné de sobres lambris décorés d'ex-voto du XVIIème siècle et de portraits des ducs de Bourgogne. Dans les appartements de la prieure, de hautes armoires à linge, des vases de Delft, un bureau à secrets avec son fauteuil, bougeoirs, encrier et coffret créent l'ambiance. Une belle collection de pots à pharmacie, chevrette, pot à canon, pot à thériaque occupe les étagères d'armoires du XVIIIème qui tapissent la pièce. Le jardin de plantes médicinales est visible de la fenêtre, il reste un témoin de l'activité de l'hôpital. L'entretien quotidien du linge des malades est évoqué dans la lingerie où une presse à linges permettait de repasser le linge à froid, la pression se réglant à l'aide d'une longue vis en bois selon l'épaisseur de la pile.

Au premier étage, les collections présentées dans l'ancien dortoir des religieuses contribuent à tisser un portrait environnemental, politique et social de la ville de Lille du XVIème siècle à la Révolution. Une exposition de bois sculptés, de peintures et de documents graphiques rappelle des bâtiments aujourd'hui disparus comme la halle échevinale ou le château de Courtrai. Une galerie de portraits évoque les Comtes de Flandre et les Ducs de Bourgogne ainsi que le contexte historique et politique de la Flandre à la fin du Moyen Age et au début de l'époque moderne. Sauvegardés par des collectionneurs avisés du XIXème siècle, les clefs de la ville, les poids et mesures et les bois sculptés de la salle du Conclave nous indiquent l'importance du pouvoir administratif et marchand de la ville. Lors d'assemblées et de fêtes traditionnelles locales, les corporations et les confréries arborent leurs attributs et insignes de métiers : torchères, bannières…Le tableau "la procession de Lille en 1789" de François Watteau en est une rare évocation. D'autres tableaux de Louis et François Watteau sont de précieux témoignages de la physionomie de la ville et de la vie lilloise sous l'ancien régime. L'engouement pour les grandes découvertes et les innovations scientifiques caractérisent la fin du XVIIIème siècle, deux réductions des globes de Coronelli ainsi qu'un microscope illustrent cet appétit de découverte.
"La procession de Lille en 1789"
François Watteau


La chapelle
La chapelle actuelle date du XVIIème siècle, sa voûte en caissons a été peinte en 1852 de 66 écussons qui représentent les bienfaiteurs de l'hôpital. Deux groupes sculptés "Saint Joseph et l'enfant Jésus" et "Sainte Anne et la Vierge enfant" nous rappellent le riche décor originel de la chapelle de même que le tableau du maître-autel "Présentation de la Vierge au temple" d'Arnould de Vuez.

Dans la prestigieuse salle des malades à la voûte lambrissée en forme de carène renversée, nous parcourons une exposition thématique autour des "Boutiques lilloises d'autrefois". Un ensemble exceptionnel d'enseignes réunies par l'éditeur lillois, Louis Quarré-Reybourbon est présenté pour la première fois depuis la création du musée. Dans une ambiance de rue, les commerces sont évoqués à travers vitrines mais aussi ateliers comme celui du luthier Pierre Hel ou encore des photographes Jean et René Pasquero. à leur suite, boutique de styliste, échoppe d'horloger, débits de tabac et cabarets racontent la fantaisie des décors de magasins et la mémoire marchande de la ville de la fin de l'ancien Régime au début du XXème siècle.
Des photographies réalisées entre 1910 et 1966 permettent d'imaginer les devantures, les étalages, le décor extérieur et l'agencement intérieur de boutiques, de magasins et grands magasins.

Bottier

Porteur d'étoffe

Cette journée nous a permis de découvrir le riche patrimoine culturel de Lille qui recèle encore quelques trésors que nous découvrirons peut-être une prochaine fois.
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