Compte rendu de la sortie
aux châteaux de Compiègne et de Pierrefonds
faite le vendredi 17 mai 2013

Texte de Colette Van de Valle

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Compiegne Pierrefonds

 

A peine réchauffé par un timide soleil, un groupe d'adhérents de notre association participe, le vendredi 17 mai, à une sortie à Compiègne et Pierrefonds.
   
 Le château de Compiègne  
L'entrée du château
La première mention d'un château à Compiègne date de 561 puis, Charles le Chauve y fait construire un palais sur les bords de l'Oise. L'emplacement du château actuel est choisi par Charles V sur des terrains appartenant aux moines de l'abbaye de Saint Corneille, le nouveau château y est construit.
Charles VII, François 1er, Louis XIII séjournent au château, Louis XIV y fait réaliser quelques aménagements. Compiègne sert alors l'image de puissance du roi Soleil en accueillant des manœuvres destinées à la formation des troupes et à l'instruction des princes. Jusqu'en 1847, seize "camps" seront organisés dans les environs de Compiègne, notamment à Coudun, ils seront l'occasion de séjours de la Cour au château ou en ville.
Louis XV, grand amateur de vénerie, est séduit par Compiègne et sa forêt, il confie la reconstruction totale du château à Ange-Jacques Gabriel puis à son élève le Dreux de La Châtre, leurs travaux aboutissent à la réalisation d'un des monuments les plus emblématiques de l'architecture néoclassique française.
Le château est touché par la tourmente de la révolution, le mobilier royal est dispersé lors de ventes révolutionnaires entre mai et septembre 1795. De 1799 à 1806, le palais change d'usage et accueille une première section du Prytanée militaire, formant avec d'autres éléments l'Ecole des Arts et Métiers.
Devenu empereur, Napoléon décide la restauration pour son usage personnel du château et du parc, il donne le 12 avril 1807 l'ordre de remettre la résidence en état d'être habitée. Le 27 mars 1810, il y accueille sa seconde épouse, l'archiduchesse Marie-Louise d'Autriche, répétant ainsi le geste dynastique accompli par Louis XV, recevant Marie-Antoinette en 1770. Le premier Empire imprime une forte empreinte sur le château, Napoléon confie les travaux de réhabilitation à l'architecte Berthault. Les réaménagements suscitent aussi la création d'ensembles décoratifs très exceptionnels auxquels participent les ateliers de Dubois et Redouté, le peintre Girodet, les prestigieux ébénistes Jacob Desmalter et Marcion ainsi que les habiles soyeux de Lyon. Pendant la restauration et la Monarchie de juillet, les souverains effectuent de fréquents mais brefs séjours à Compiègne. Le 9 août 1832, Louis Philippe y marie sa fille aînée, la princesse Louise d'Orléans avec le roi des Belges Léopold Ier.
Cependant, c'est Napoléon III qui rend au château son faste d'antan, il y reçoit de nombreux souverains étrangers mais le château devient surtout un lieu de villégiature privilégié pour la Cour impériale. A partir de 1856, Napoléon III et l'impératrice Eugénie y séjournent chaque année trois à six semaines à l'automne, avec la Cour et y organisent les "Séries de Compiègne". Les invités des souverains sont conviés par " séries ", des périodes d'une semaine pendant lesquelles une centaine de personnes sont logées au château. Les personnalités qui forment le cercle habituel du souverain : princes, ambassadeurs, maréchaux et hauts fonctionnaires font, bien sûr, partie des invités mais des personnalités des mondes littéraires, artistiques et scientifiques ont aussi l'honneur d'être conviées. Parmi eux, on trouve des artistes comme Jean Baptiste Carpeaux, Delacroix, Winterhalter, des écrivains comme Alexandre Dumas fils, Gustave Flaubert, Théophile Gautier ou Alfred de Vigny, des musiciens comme Gounod ou Verdi, des scientifiques tels que Claude Bernard ou Pasteur. Avec la chute de l'Empire, Compiègne perd sa fonction résidentielle.
La troisième république transforme le château en musée. Cependant, il joue encore le rôle de résidence pour accueillir en 1901 le tsar Nicolas II et la tsarine Alexandra Feodorovna, sur invitation du président de la République Emile Loubet.
Le château est occupé pendant la grande guerre par les troupes anglaises et l'état-major allemand puis devient, de mars 1917 à avril 1918, le siège du grand Quartier Général. Utilisé comme hôpital, il subira de nombreux dommages dont le plus important est l'incendie, en 1919, de la chambre de l'Empereur et du salon du Conseil.
La seconde guerre mondiale entraîne de nouvelles évacuations du mobilier. Ce n'est qu'après le conflit que l'activité de Compiègne se réorganise autour de plusieurs musées et de nombreux chantiers de restauration sont lancés.
 
Le grand escalier
La visite des appartements historiques commence au pied du grand escalier de la Reine bordé d'une rampe en fer forgé dorée à l'or blanc et à l'or jaune par Raguet, un artisan de Compiègne, une réplique de l'Apollon du Belvédère semble nous montrer la direction des appartements du Roi et des Empereurs.
Dans la salle à manger de l'Empereur
La salle à manger de l'Empereur de style néo-classique présente un admirable décor de grisailles en trompe-l'oeil peintes par Sauvage, le mobilier est de style premier Empire. Sous le second Empire, le théâtre intime y était dressé et les familiers de l'Impératrice y jouaient revues et charades, ce qui a fait dire à la princesse Mathilde : "ici, c'est Sodome et Gomorrhe" !
Dans le salon des cartes, meublé en style Louis XVI par l'Impératrice Eugénie, on remarque un billard japonais et un jeu de palet ainsi que des porcelaines du second Empire. Au mur, d'anciennes cartes de la forêt de Compiègne sur lesquelles apparaissent tous les chemins créés sous François 1er. La présence d'un piano mécanique rappelle que cette pièce était aussi une salle de danse.
 
Le salon de famille
Le salon de famille, ancienne chambre à coucher de Louis XVI, offre une vue magnifique sur la perspective des Beaux-Monts, créée par Napoléon 1er pour l'impératrice Marie-Louise en souvenir du château de Schönbrunn. Le mobilier traduit le goût de l'impératrice Eugénie pour les mélanges de style : fauteuils Louis XV, sièges de fantaisie à deux places, "confident" ou à trois places, "indiscret".
Dans le cabinet du Conseil, une peinture sur soie montre Louis XIV passant le Rhin en 1672. Une magnifique table ornée de pierres dures retient notre attention. Compiègne était, avec Versailles et Fontainebleau, le troisième château où le roi tenait conseil, plusieurs traités importants y ont été signés.
 
La chambre à coucher de l'Empereur
La chambre à coucher de l'Empereur nous apparaît telle qu'elle était sous le premier Empire, elle est entièrement tendue d'un damas cramoisi à dessin "en mosaïque" de feuilles de chêne, étoiles et abeilles. Le mobilier en bois doré et bois d'ébénisterie a été réalisé par Jacob Desmalter, le décor de Dubois et Redouté a été préservé de l'incendie de 1919, seules les peintures du plafond de Girodet ont disparu.
 
La bibliothèque
La pièce suivante a été aménagée en bibliothèque sous le premier Empire, elle renferme plus de 2000 ouvrages, l'ensemble du mobilier provient des ateliers de Jacob Desmalter. Le plafond s'orne d'une peinture de Girodet : "Minerve entre Apollon et Mercure". Une porte cachée par de faux livres donne accès à l'appartement de l'impératrice.
Le salon de musique, l'une des pièces préférées de l'impératrice Eugénie évoque la Chine représentée par des tapisseries de Beauvais, le mobilier est, en partie, celui de Marie-Antoinette à Saint-Cloud, il voisine avec d'autres éléments plus modernes. C'est dans ce salon, à l'heure du thé que la souveraine recevait les invités qu'elle voulait distinguer, Pasteur et Flaubert y ont été accueillis.
 
La chambre à coucher de l'Impératrice
Dans la chambre à coucher de l'impératrice restituée dans son état de 1811, le lit à baldaquin aux rideaux de soie blanche et de mousseline brodée d'or occupe le centre de la pièce, les sièges en bois doré recouverts d'un tissu rouge et or rehaussent l'éclat de l'ensemble. Le boudoir rond ouvert sur la chambre sert de salle d'atours et de bains.
 
Le grand salon
En pénétrant dans le grand salon, on remarque la disposition des sièges "à l'étiquette", un canapé pour l'Empereur et l'impératrice, des fauteuils pour les dames d'honneur et des tabourets pour les princesses. Un brocart or et vert recouvre ces sièges, le J en forme de corne d'abondance sur les dossiers est celui de Joséphine qui ne vit jamais cet ensemble.
Le salon des fleurs doit son nom aux huit panneaux floraux inspirés des études de liliacées de Redouté. C'est un salon de jeux dans lequel on remarque un jeu de tric-trac, deux tables de quadrille et une table de bouillotte. Au second Empire, la pièce servait de chambre au prince impérial, la date du "4 décembre 1868" gravée dans la table de marbre est de sa main.
Marie-Louise prit son premier repas en compagnie de l'Empereur dans la salle à manger, de dimensions modestes aux murs recouverts de stuc imitant le marbre. La moquette style "peau de panthère" étonne, elle est inspirée d'un modèle de 1817, les sièges sont tapissés de cuir.
Depuis 1947, la galerie des chasses sert à présenter des tapisseries appartenant à "la tenture des chasses de Louis XV" tissées à la manufacture des Gobelins entre 1736 et 1746 d'après des cartons et peintures d'Oudry et des œuvres de Desportes. L'une des tapisseries représente une chasse au bord de l'Oise avec les silhouettes de Compiègne et de l'ancienne abbaye de Royallieu.
 
La galerie de bal
Construite sur l'ordre de Napoléon 1er, la galerie de bal dédiée à Marie-Louise nécessita de lourds travaux. Les ornements peints sont dus à Dubois et Redouté, les compartiments du plafond représentent les victoires de Napoléon, ils ont été peints par les élèves du baron Regnault. Girodet a signé les peintures des tympans d'inspiration mythologique, l'une d'elles met en scène " la danse des Grâces au son de la lyre d'Apollon ". Pendant la guerre de 1914, cette galerie a servi d'hôpital, cette utilisation a dégradé le sol par endroits.
 
Le musée du Second Empire donne de nombreuses images de la Cour, de la vie mondaine et des arts à cette période à travers une exposition de peintures, sculptures et objets d'art.
La peinture la plus célèbre est le tableau de Winterhalter représentant l'impératrice et sa corolle de dames d'honneur, le salon de la Princesse Mathilde peint par Giraud restitue l'atmosphère du lieu, centre de la vie culturelle et artistique.
"Ugolin et ses enfants"
Plâtre de Jean-Baptiste Carpeaux
Jean-Baptiste Carpeaux est bien représenté avec la sculpture du " Prince impérial et son chien Néro ", celle du buste de Napoléon vieilli après la chute de l'Empire, le plâtre du groupe " Ugolin et ses enfants " et l'allégorie de " la tempérance ". Meubles, vaisselle, pendules, bijoux… les objets d'art présentés dans ce musée témoignent du goût de l'époque et d'un art de vivre raffiné. Parmi les meubles, une réalisation exceptionnelle figure en bonne place : une armoire en ébène ornée d'incrustations de bronze doré et cloisonné et de treize médaillons en porcelaine de Saxe représentant des scènes pastorales à la manière de Boucher et de Watteau.
 

Le cadre champêtre du restaurant le "Chalet du Lac" à Pierrefonds nous accueille pour le déjeuner.

 
 Le château de Pierrefonds
L'après-midi, après une "harassante" montée digestive vers le château de Pierrefonds, nous commençons la visite de cette forteresse.
 
Au pied du château
Au XIIème siècle, un château s'élevait déjà sur le site, il n'en reste que les caves situées sous le logis du XIème siècle. Ce château devient la propriété du roi Philippe-Auguste à la fin du XIIème siècle et demeure ensuite dans le domaine royal.
En 1392, à la mort de son père Charles V, Louis d'Orléans reçoit en apanage le comté de Valois, plusieurs châtellenies, dont Pierrefonds. Il en entreprend la reconstruction totale en 1396, destinant Pierrefonds à la surveillance des échanges entre les Flandres et la Bourgogne, fief des Ducs de bourgogne, rivaux des Orléans. Après l'assassinat du Duc en 1407, les travaux sont interrompus.
Dans les débuts troublés du règne de Louis XIII, en mars 1617, le château est la propriété de François-Annibal d'Estrées, le père de la belle Gabrielle, membre du parti des "mécontents" mené par Henri II de Bourbon-Condé, prince de Condé. Le château est assiégé et pris par les troupes du gouverneur de Compiègne, envoyées par Richelieu, secrétaire d'état à la guerre. Le conseil du roi Louis XIII décide alors de démolir le château en 1617, son démantèlement est entrepris jusqu'à ce qu'il n'en reste que des ruines.
Ces ruines sont la propriété du domaine de la couronne pendant plus de deux siècles et sont vendues comme bien national à la révolution. Napoléon 1er rachète Pierrefonds en 1813 et le fait entrer dans les dépendances de la forêt de Compiègne.
Au cours du XIXème siècle, l'engouement pour le patrimoine architectural du Moyen Age fait de Pierrefonds " une ruine romantique ". Louis-Philippe y offre un banquet en 1832 à l'occasion du mariage de sa fille Louise avec Léopold de Saxe-Cobourg Gotha, premier roi des Belges. Comme d'autres artistes, Corot représente les ruines entre 1834 et 1866. Napoléon III visite Pierrefonds en 1850, il décide quelque temps après, en 1857, d'en confier la restauration à Viollet-le-Duc sur les conseils de Prosper Mérimée. Passionné de civilisation médiévale et d'art gothique, cet architecte entreprend une réfection complète, suggérée par les vestiges des murs qui subsistaient. Les travaux durent jusqu'en 1884. Désireux " d'approprier l'architecture médiévale aux nécessités d'aujourd'hui ", il ne s'interdit pas d'imaginer certaines parties de l'édifice et de céder à son inspiration pour l'ornementation sculptée et peinte.
 
La cour d'honneur Le donjon
 
La chapelle
Nous arrivons sur une esplanade puis, après le premier fossé, dans l'avant-cour dite "les Grandes Lices". Un double pont-levis mène à la porte du château ouvrant sur la cour d'honneur. Celle-ci inspirée de la Renaissance présente : au sud-ouest, le donjon destiné aux appartements, au nord-ouest, le grand corps de logis abritant les salles d'apparat, à l'angle, la statue équestre de Louis d'Orléans et les chimères du grand perron, œuvres d'Emmanuel Frémier, au nord-est, l'aile des cuisines avec son beffroi et au sud, la chapelle et la cour des provisions. Les tours sont construites à partir des maçonneries anciennes, dotant le château d'un système défensif rare : double couronnement des remparts et des tours, double chemin de ronde sur deux niveaux, en partie dans l'épaisseur des murs et en partie en surplomb, avec les mâchicoulis.
 
La salle des Preuses
A l'intérieur, nous découvrons la salle des Preuses, ancienne salle de justice qui incarne le faste lié aux fêtes du second Empire. Longue de 52 mètres et large de 9 mètres, son plafond est en forme de carène renversée, à l'extrémité, une cheminée à double foyer est décorée des statues de l'Impératrice Eugénie et de ses dames d'honneur figurées sous les traits des Preuses, personnages qui exaltent l'idéal chevaleresque du Moyen Age.
Le chemin de ronde entièrement couvert fait le tour de l'enceinte du château ; Viollet-le-Duc a utilisé les derniers progrès des systèmes de défense avant l'ère du canon : les cheminements à niveau, sans marches ni portes étroites permettent aux défenseurs d'affluer aux points critiques, sans se heurter à des chicanes. Ce belvédère nous offre une vue bien dégagée sur le vallon de Pierrefonds.
 
La salle des gardes
L'accès à la salle des gardes ou des mercenaires se fait par un escalier à double vis, des fragments lapidaires y sont regroupés, parmi eux les vestiges des statues originales du XVème siècle des preux qui ornaient les tours.
Une maquette du château en pierre conclut la visite, elle est réalisée pour l'exposition universelle de 1878 par Wyganowski, inspecteur des travaux.
Une dynastie de plombiers d'art (1867-1970) les Monduit est mise à l'honneur au premier étage de l'aile des invités et dans la chapelle, ils ont su renouveler la technique de la plomberie d'art. Les plus grands architectes et sculpteurs (Viollet-le-Duc, Garnier, Bartholdi…) ont confié aux ateliers Monduit la restauration ou la création d'œuvres telles que la flèche de Notre-Dame-de-Paris, la grande lanterne de la coupole de l'Opéra de Paris, la flèche de la cathédrale d'Amiens, la statue de la Liberté de New-York, le lion de Belfort, la statue de l'archange saint Michel en haut de l'abbaye du Mont Saint Michel.
 
Cette journée fut riche de découvertes ou de redécouvertes d'un patrimoine culturel proche de l'Isle-Adam.
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