Après
le succès des Chefs d'œuvre de la collection Rau, de Rodin en 1900
et de Raphaël.. Grâce et Beauté, dans la suite
de la politique de grandes expositions voulues par le Sénat et pour renouer
avec son passé prestigieux de premier musée d'Art Moderne, appelé
à l'époque Musée National des Arts vivants. le Musée
du Luxembourg présente aujourd'hui une rétrospective du grand artiste
maudit du 20 ème siècle: Amedeo Modigliani.
Modigliani
meurt d'une maladie pulmonaire dans les premiers jours de 1920 ; le jour suivant,
sa compagne, Jeanne Hébuterne, enceinte de quelques mois. saute de désespoir
par la fenêtre du sixième étage de l'immeuble qu'elle habitait:
l'une des légendes artistiques les plus sombres du siècle est née.
Depuis plus de vingt ans, aucune manifestation à Paris n'a rendu
hommage à cet artiste pourtant adulé du public. Par la qualité
des œuvres exposées et par l'ampleur du parcours proposé, cette
exposition présente le maître de Livourne et son œuvre sous
un jour nouveau. Selon un parcours rétrospectif exceptionnel sera ainsi
montrée pour la première fois près du quart de la production
d'un artiste mort très jeune, encore en plein apprentissage. Après
plusieurs essais, il commençait seulement à trouver un style propre.
Physiquement trop fragile, Modigliani avait dû abandonner, à son
grand désespoir, la sculpture pour s'essayer au cubisme, au tachisme puis
à une forme très en matière d'un expressionnisme sombre et
triste, marquant des étapes particulièrement difficiles d'une existence
où, face à la maladie omniprésente, il ne trouvait consolation
que dans l'alcool, la drogue et l'amour.
Dans un Paris en pleine guerre,
au moment où des milliers de soldats mouraient dans les tranchées,
Modigliani tente de trouver un style inspiré des Arts nègres et
océaniens. Cet art atypique pour son époque est emprunt de références
italiennes mais aussi impressionnistes, fauves, cubistes. L'artiste se crée
ainsi un style unique, coupé du monde et des réalités quotidiennes,
axé essentiellement sur une approche sculpturale des personnages qui occupent
alors son univers, amis ou compagnons d'infortune, comme Soutine, Zborowski, Max
Jacob, Picasso...
L'exposition exceptionnelle que présente le
Sénat - la plus importante jamais organisée sur l'artiste - va permettre
de découvrir, ou de redécouvrir, un artiste surtout connu du grand
public pour les portraits très léchés et transparents des
derniers mois de sa vie. Véritable génie expressionniste, peintre
tourmenté, triste, utilisant énormément la matière
et la référence à la sculpture - son support favori - Modigliani
pourra ainsi être redécouvert. L'exposition présentera au
public les plus célèbres portraits de Zborowski, ceux, tout aussi
exceptionnels, de Paul Guillaume, les nus les plus admirables et pourtant si décriés
à l'époque, mais aussi les portraits de ses compagnes, Béatrice
Hastings et Jeanne Hébuterne œuvres rarement, voire jamais, exposées
en France, enfin les portraits de ses amis, Soutine, Kisling, Chéron, Max
Jacob... Véritable révélateur de l'âme des sujets qu'il
peignait, Modigliani aura une carrière courte, foudroyante, aussi riche
que remplie de contrastes, qui le met au petit nombre des peintres modernes les
plus appréciés du public.
A cet ensemble de peintures réunies
pour la première fois, un ensemble tout aussi exceptionnel de dessins montrera
l'un des autres aspects essentiels de Modigliani: son travail graphique, brillant,
aussi virtuose que Picasso ou Matisse, toujours relégué au second
plan, pourtant indispensable à la compréhension de son œuvre.
Enfin sera évoqué l'immense talent de Modigliani sculpteur
avec un ensemble unique de cariatides sculptées, peintes et dessinées,
dont certaines n'ont jamais été exposées jusqu'alors. Elles
permettront au visiteur de comprendre le projet du Temple de la volupté
que Modigliani imagina lorsqu'il partageait un atelier avec Brancusi. Projet hollywoodien
et unique dans l'histoire de la sculpture contemporaine que Modigliani, en véritable
sculpteur d'avant garde, conçut malgré sa faiblesse physique.
" Modigliani est une sorte de Botticelli Nègre " disait
de lui Basler en 1929 alors que Jacques Emile Blanche voyait en lui " un
descendant direct des pieux imagiers siennois " en 1933, Paul Dermée
le surnomma " le cygne de Livourne " en 1945 et le décrivit
ainsi: " Modigliani, fils de roi, prince de l'esprit, aristocrate en chandail
ou en veste de gros velours côtelé, avançait dans la vie les
narines frémissantes, l'œil éclairé par une joie intime,
ivre de toute la beauté et de toute l'intelligence du monde... "
Mais reste ce mot extraordinaire de Modigliani, déjà malade
et conscient de l'imminence de la mort, écrivant le 6 mai 1913 à
son ami et mécène, le Docteur Paul Alexandre - qu'il ne reverra
plus - : " Le bonheur est un ange au visage grave ", signé"
Le ressuscité ". |